Le Grand Prix de l’Etang-Salé le prouve encore ce week-end : la pétanque est l’une des disciplines préférées des Réunionnais. Mais pour passer du statut de jeu à celui de sport, il faudra encore tirer quelques carreaux.
Ambiance de concours à Saint-Paul : beaucoup d’hommes, quelques femmes, de la concentration mais surtout beaucoup de convivialité (Photo VB)
Quel sport pouvez-vous pratiquer avec votre grand-père, votre petit fille, votre maman et votre voisin Antoine ? Aucun, sinon la pétanque. C’est le jeu simple par excellence : des règles basiques, adaptables à tous les terrains, pour un investissement minimum puisque trois boules par personne suffisent (et même deux si vous jouez en triplette). Quant à la technique, la plus rudimentaire peut faire son petit effet, en famille ou entre amis. Alors pas étonnant que la pétanque soit fortement ancrée dans les habitudes réunionnaises.
Et que les compétiteurs locaux brillent souvent au niveau national, avec des noms tels que Pavot, Esther, Tolar ou Chéreau. Ces « stars péi » n’ont évidemment pas manqué le Grand Prix de l’Etang Salé, 10e du nom, dont les finales se déroulent aujourd’hui en présence du « maître » Philippe Quintais et qui a vu la participation de 200 doublettes. » C’est l’affluence que nous connaissons à chaque week-end de compétition, observe Dominique Hoarau, qui préside le comité de la Réunion depuis deux ans. En général, les épreuves regroupent 128 doublettes et 128 triplettes. Si vous comptez les accompagnateurs, les arbitres, le public, nous arrivons facilement à un millier de personnes autour du terrain. C’est bien plus que dans nombre de stades de foot ».
A l’évidence, la popularité de la pétanque ne faiblit pas. Elle aurait même tendance à croître de quelques pourcents ces dernières années, avec 3 600 licenciés dans l’île (pour 360 000 au niveau national). Quant à dénombrer le nombre de « pétanqueurs » en famille, autour des pique-nique du dimanche, c’est une autre affaire. Selon une statistique du leader du marché, l’incontournable Obut, « 40 % des Français jouent à la pétanque plusieurs fois par an, ce qui représente 24 millions de personnes ». Appliqué à la Réunion, ce ratio ferait état de quelque 300 000 pratiquants. Pourquoi pas après tout ?
C’est qu’il n’a pas fallu longtemps pour que la pétanque sorte de l’enceinte du Port où elle avait débarqué dans les années 40, apportée par les marins qui jouaient sur les quais avec les boules des wagons de chemin de fer, et des billes de roulement de camions en guise de cochonnet. D’où la naissance, en 1954, du premier club de l’île, les Boules portoises. Le 4 septembre 1963, alors que le Jardin de l’Etat, à Saint-Denis, est devenu un terrain de jeu très couru, est créé le Comité de la Réunion de pétanque, impulsé par Max Roustanjee, Sylvestre Cazal et Alex Eyquem. Dans les années 70 sont organisés les premiers championnats de la Réunion et les clubs se multiplient, la pétanque devenant la quatrième discipline de l’île en nombre de licenciés. Elle est intégrée aux Jeux des Iles de Madagascar en 1990 et Saint-Denis organise même les Championnats du Monde en 1999.
Un demi-siècle après ses débuts réunionnais, la pétanque se décline en une centaine de clubs, « une quinzaine de boulodromes d’envergure et une multitude de petits terrains dans les quartiers », selon Dominique Hoarau. Des aires de jeux sur lesquelles se retrouvent des habitués, parfois quotidiennement, pour des parties infinies pimentées par des paris de quelques euros . « La pétanque c’est du lien social, c’est évident. C’est aussi un sport où se côtoient toutes les couches de la société, sans signe extérieur de richesse », résume le président du comité. Alors jeu ou sport ? C’est bien toute la question. Car si « les autorités persistent à nous considérer comme un simple jeu, nous voulons imposer l’image d’un véritable sport », selon Dominique Hoarau. Désormais, des règles vestimentaires ont été instituées dans les compétitions, avec des maillots d’équipes, comme en foot, handball ou autres. « Nous essayons de gommer cette image « fun » qui colle à la peau de la pétanque et qui lui empêche sans doute de devenir discipline olympique, lui barrant trop souvent la route des médias ».
D’autant que la pétanque a des vertus pédagogiques évidentes : « C’est un sport de patience, de stratégie, de concentration, d’endurance. Arriver en finale d’un tournoi, c’est jouer huit parties d’une heure à une heure et demi, soit une douzaine d’heures ». Autant de valeurs que le statut trop « loisirs » de la discipline écarte des écoles. Dommage : la pétanque peut même aider au calcul mental ou au maniement des centimètres.
David Chassagne
- Clicanoo.com publié le 19 septembre 2010 05h42