Stephane Robineau la discretion du Champion
Après une grande saison 2013, Stéphane Robineau vient de rejoindre Dylan Rocher dans le Var. Le quadruple vainqueur du Mondial la Marseillaise s'est confié, après un début d'année plutôt réussi, à boulistenaute.com. Entretien avec un champion qui est devenu sans faire de bruit, au fil d'un début de carrière constellé de grandes victoires, un des joueurs majeurs de la dernière décennie.
Tu as rejoint cette année l'ABC Draguignan, et la saison commence bien puisqu’après tes deux premières sorties, tu es déjà qualifié pour le championnat de France en doublettes et pour le championnat de ligue en triplettes. Tu es content d'être ici?
Très très content. Je suis venu dans le Var d'abord pour des raisons professionnelles, mais le club est formidable, le travail qu'il effectue est super, et j'ai le plaisir d'avoir rejoint Dylan. Après, j'ai toujours une pensée pour le club de Firminy, j'ai laissé tous mes amis là-haut et une équipe avec laquelle j'étais qualifié pour le France, mais le travail passe d'abord.
Sur le début de saison, le fait d'être qualifié en doublettes avec Dylan est une grosse satisfaction : on n'a pas pu remettre notre titre en jeu en 2012, c'est bien d'aller au France ensemble cette année. Et puis maintenant, je vis dans le Var, c'est une nouvelle vie qui commence : je pense que Dylan va m'aider à m'intégrer à cette région, tout comme les dirigeants de l'ABCD qui s'occupent bien de moi. Pour le moment tout est positif.
Tu compose en triplette une équipe inédite, avec Robin Rio et Ben Molinas. Comment sens-tu cette formation, et quelles chances est-ce que tu lui donnes de se qualifier pour Brive d'une part, et de faire un résultat là-bas d'autre part?
Je connais très bien Ben, un peu moins Robin mais je l'avais déjà vu jouer dans le passé et je connaissais ses capacités dans le jeu et même en dehors : c'est une équipe qui me rend assez confiant. Si chacun joue à son niveau, je pense qu'on a de grandes chances de passer ou à la Ligue ou au département, ce qui est le premier objectif. Après, si on a le bonheur de se qualifier pour Brive, même s'il y a de très belles équipes, on fera notre bonhomme de chemin et si on peut faire les huitièmes ou encore mieux, on ne s'en privera pas. L'entente est là, et c'est le principal.
Tu as également disputé le tour final de la Coupe de France des clubs avec Draguignan, le week-end dernier. Quel souvenir te laisse cette compétition, et quelles leçons penses-tu que le club doit en tirer ?
Une demi-finale de la Coupe, avec tous les clubs qui étaient engagés, c'est une très belle perf. Draguignan est un club en construction, c'était leur premier grand résultat, il y en aura d'autres. La venue de Kevin (Philipson, NDLR), notamment, va être importante. Ce résultat va faire grandir le club, les dirigeants, les joueurs, c'est le début de quelque chose.
Le modèle, c'est Metz. La valeur des joueurs, mais aussi l'ambiance, l'esprit de club, c'est ça qu'il faut essayer d'imiter. Sur Rumilly, il faut peut-être tirer quelques leçons du coaching : peut-être qu'en triplettes, il n'aurait pas fallu que nous jouions ensemble, Dylan et moi. Mais bon, comme je t'ai dit, Draguignan est en train de grandir, je pense que nous serons encore plus forts l'an prochain et aussi grâce à cette expérience.
Tu joues depuis longtemps avec la famille Rocher, puisqu'on se souvient que tu avais rejoint le Mans il y déjà pas mal d'années. Quel regard portes-tu sur Dylan, et sur son évolution ?
Je pense que j'ai un regard différent de celui qu'ont d'autres partenaires qu'il a pu avoir. Dylan, c'est Dylan, c'est mon petit frère : ça m'aide à jouer avec lui, c'est une force que peut-être n'ont pas certains joueurs. Après, Dylan, c'est le meilleur tireur au monde. Il a beaucoup appris avec son père, ça lui a forgé un caractère, il a une capacité au tir impressionnante. Au début, lorsque je jouais avec lui, j'oubliais le jeu, je le regardais tirer, j'en oubliais presque de jouer mes boules. C'est un joueur exceptionnel, un tireur pur comme on n'en a pas vu depuis des décennies, mais c'est surtout un être humain formidable, très fair-play, très gentil, très respectueux. Voilà, c'est mon partenaire, mais c'est avant tout un ami.
Tu fais partie de l'élite depuis plus de dix ans, tu as accumulé beaucoup de trophées et joué avec les plus grands. Quels sont les souvenirs qui te reviennent en premier, lorsque tu penses à ce début de carrière ?
Il y en a plein, mais je n'oublie pas d'où je viens. J'ai commencé à onze ans, avec mon oncle et mon père, et ce qui revient en premier ce sont les souvenirs de la Nièvre, ou j'ai commencé et joué pendant dix ans. Ce sont eux qui m'ont donné le goût de jouer.
Ensuite, je pense à tous les partenaires que j'ai eu, car c'est grâce à eux que j'ai gagné toutes ces choses. J'ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes, d'apprendre auprès des plus grands joueurs, Bruno Rocher, Philippe Quintais, Michel Loy, Henri Lacroix, Marco Foyot, Fazzino : chaque partenaire t'apprend quelque chose.
Ta première grande victoire, tu l'as connue en 2002 en remportant le Trophée des Villes en compagnie de François Dumont, Dominique Vaillant et... un certain Emmanuel Lucien. On a beaucoup parlé de lui la saison dernière, puisqu'il a terminé premier au classement des nationaux et qu'il est devenu champion de France. Quel regard portes-tu sur les succès de ton ancien partenaire ?
Avant tout, c'est mon ami. J'ai eu la chance de jouer pendant cinq ans avec lui, et je suis fier de voir ce qu'il lui arrive aujourd'hui: c'est un très très bon pointeur qui a beaucoup progressé au tir, il est au niveau qu'il mérite, et il le prouve tous les week-ends. Et puis je suis content de voir un autre Nivernais percer au plus haut niveau.
A trente-trois ans à peine, tu as gagné quatre fois le Mondial la Marseillaise, ce qui fait déjà de toi l'un des six ou sept joueurs à l'avoir remporté le plus souvent. Tu as également disputé deux quarts de finale et une demi-finale. Est-ce que tu commences à penser au record d'Albert Pisapia ?
Sincèrement, non. Cette année, dans un coin de notre tête, il y aura le triplé de Marco Foyot, c'est sûr. On forme une très belle équipe, où chacun est à sa place, la Marseillaise est un concours qui me réussit, alors gagner cette année, ça serait déjà historique. Après, le record de Pisapia, j'en suis encore loin : c'est un monument, qui inspire le respect, je suis encore loin de penser à ça.
Un mot sur ce concours, que tu as d'abord gagné avec deux Marseillais, Gayraud et Adam. Beaucoup de joueurs pensent que c'est un concours à part, qu'il ne ressemble à aucun autre. C'est aussi ton avis ?
Oui. Au début, je l'ai découvert grâce à Michel Adam et Gilles Gayraud, effectivement, et plus les années passent, et plus je le trouve beau. Le jeu, l'ambiance sont spéciales, les galeries, la télévision, tout le rend différent : on ne peut pas décrire ça, il faut vraiment le vivre. Et puis il y a le Vieux Port : je pense que tout joueur de pétanque rêverait de faire la finale, ou même la demi, dans cet endroit. Voilà, c'est Marseille, et comme Millau, c'est unique.
Tu as disputé un championnat du Monde en 2008 et un championnat d'Europe en 2009, et depuis on ne t'a plus vu en équipe de France. Est-ce que tu penses, et est-ce que tu espères y revenir un jour ?
En 2009, on avait perdu contre les tenants du titre (Lacroix, Suchaud, Le Boursicaud, Grandet, NDLR) et je ne pense pas avoir fait un mauvais championnat du monde. En 2011, après une suspension qui m'est resté un peu en travers de la gorge, la DTN m'a exclu de l'équipe de France. Peut-être que je n'avais pas le niveau ou le comportement voulu à leurs yeux, mais comme j'ai continué à être demandé et à faire des résultats chaque année, j'ai été un peu rassuré là-dessus.
Bien sûr, je suis déçu, parce que porter le maillot de son pays, on ne peut pas rêver mieux, et que si ça ne devait pas se reproduire, j'aurais le regret de ne jamais disputer un championnat du monde avec Dylan, mais bon. On verra...
Tu fais à présent partie d'un club qui possède l'une des plus grosses écoles de pétanque du Sud. Bien que tu ne sois pas éducateur, est-ce qu'on t'y verra de temps en temps donner quelques conseils aux jeunes de Draguignan ?
En fait, j'espère passer mon brevet dans le courant de l'année, parce qu'en effet, j'aimerais bien transmettre un peu de savoir-faire à tous ces jeunes. On a la chance d'avoir une école formidable, avec de belles installations:c'est Gérard Tavitian et Lucie Rousseaux qui s'en occupent, mais dès que j'aurais fini de m'installer, je vais donner des cours tous les mercredi après-midi avec grand plaisir.
Et quels sont les conseils que tu donneras, sur le plan du comportement et de l'appréhension du jeu, à des jeunes qui commencent à jouer en compétition ?
D'avoir un bon esprit. La pétanque, c'est un sport, mais ça doit être un plaisir avant tout. Respecter les adversaires, regarder les champions, imiter leur comportement. Voilà, et puis s'entraîner, s'entraîner, vouloir avancer, progresser, comme dans tout sport. Se fixer des objectifs, essayer de les atteindre.
Voilà, tout ça , c'est important. On est dans un sport où les effectifs jeunes sont un peu en perdition, je trouve ça dommage, car il y beaucoup à trouver dans la pétanque, c'est un sport à part entière et on aimerait que la relève soit là. Il faut s'en donner les moyens, et c'est ce que fait Draguignan : c'est normal que je donne un coup de main à ça.
Entretien réalisé par Pierre Fieux "BOULEGAN" du Boulistenaute