Une nouvelle année commence et à Saint-Martory les patrons Kiki et Jojo du Bistrot de Pays ont rouvert leur comptoir toujours dans la bonne humeur.
Vendredi 12 janvier, en soirée à partir de 19h30, il va falloir pousser la chansonnette avec la soirée Karaoké.
Car si les bistrots font partie du patrimoine français, des traditions des villages, leur avenir est de plus en plus menacé. Il leur faut innover pour survivre. Et côté innovation on peut compter sur les deux cousins Kiki et Jojo.
Difficile de remplir l'hôtel ou le restaurant lorsque l'économie locale s'étiole et que les clients de passage, adeptes comme tout un chacun aujourd'hui de la Carte Bancaire, n'ont même pas sur le canton un distributeur de billets qui leur permettrait de s’arrêter boire un café,. On n'en est pas encore au point de payer une conso ou une baguette avec la carte bleue. Et donc direction Salies du Salat pour se réapprovisionner en monnaie et exit le Bistrot de Pays. Tant mieux pour les commerçants salisiens!
Contrôles de gendarmerie surveillant le taux d'alcoolémie, rien de plus normal. Exit donc les clients qui n'habitent pas le village et ne dorment pas à l'hôtel s'ils ne veulent pas se voir retirer quelques points. Ceux qui faisaient quelques kilomètres le soir pour changer d'air et aller manger un bout dans un resto sympa restent dans leur commune (moins de risques en rentrant à pied) ou partent carrément à la grande ville avec en plus la possibilité de divertissements plus importants et variés et de dormir chez des amis.
Il reste quelques habitués, les ouvriers travaillant sur la ligne de chemin de fer, les employés communaux, les retraités, les salariés qui ne rentrent pas chez eux. Sera-ce suffisant pour tenir face aux charges qui s'accumulent, et pour combien de temps encore?
Finies les grosses manifestations qui ramenaient du monde comme l'International de Salies ou le Zim Boum... Les bénévoles se sont essoufflés à trouver des financements, respecter des cahiers des charges de plus en plus lourds et tenir seul à bout de bras des animations pour faire vivre leur village.
Aujourd'hui, tel un brave petit navire affrontant la tempête, le café des Sports de Saint-Martory continue encore ses animations de l'été, les karaokés de l'hiver, les soirées rugby, foot, fléchettes... Patron de bistrot est devenu un sacerdoce. Seule la Foi soulève des montagnes.
Fort heureusement l'atout majeur des deux cousins reste l'humour. Blagues à deux balles, parties de pétanque visitées et revisitées à n'en plus finir, on refait le monde en permanence tout en suivant les trains de la chaine Voyages qui vous amènent ailleurs. Convivialité, accueil, on mange "comme à la maison" sans prétention et c'est bon. Il y en a pour tout le monde: ceux qui préfèrent prendre une assiette au comptoir, ceux qui restent dans la salle du bar avec commentaires en direct du patron, jeux collectifs lorsqu'il s'agit de répondre aux questions de Nagui ou de Reichmann, "voyages voyages..." avec les trains qui défilent dans les Alpes, en Asie ou en Amérique Latine et enfin la salle de resto pour les repas d'amoureux, d'affaires, de famille ... ou quand il n'y a plus de place au bar!
Des bistrots il y en a encore. Mais dans les villages ils se raréfient et c'est bien dommage, car ou iront les solitaires, les esseulés, les ceux qui veulent juste être tranquilles et peinards en dehors de chez eux ou en dehors de leur boulot. Ou iront les migrants qui viennent de temps en temps voir un bout de leur pays dans une compétition de foot sur l'écran de télé? Ou iront les personnes âgées habitués à leur belote, leur vin blanc du matin! ou leur tisane de l'après-midi...
Moi je dis qu'ils devraient être protégés, comme ces espèces en voie de disparition du WWF! Je dis qu'ils devraient être subventionnés, ou qu'on devraient les alléger des taxes foncières, professionnelles... Attention je ne parle pas du Kyriad ou du Novotel ... je parle de Saint-Martory, Saleich, Betchat, ... des petits villages de nos campagnes.
Bien sûr qu'aucune municipalité ne souhaite que son café ferme ses portes. C'est la vie du village. Mais , et c'est juste une suggestion, puisqu'on aide bien des associations qui mettent en place des animations, et c'est normal je ne dis pas le contraire, dans des communes ou il n'y a plus d'associations, aidons les patrons de bar à pérenniser leurs animations. Certaines le font je le sais, genre "vous payez un groupe musical et la mairie paiera le prochain". Je ne crois pas que ce soit de l'argent foutu en l'air ou que les administrés viendront râler.
Un bistrot, restaurant, hôtel qui vit fait vivre tout le village. C'est plus sympa de s’arrêter dans un village acheter le pain quand on sait qu'en même temps on pourra lire le journal à la terrasse du café, discuter avec quelques amis, découvrir quelques inconnus avec qui partager une conversation... Plus de cafés et les autres commerces péricliteront aussi. Car à ce moment là autant s’arrêter dans une grande surface et acheter tout en bloc: pain, journal et café à la cafèt...
Et oui je monte au créneau régulièrement pour essayer de faire prendre conscience qu'on est entrain de vivre les dernières années de tous ces bistrots sympathiques de nos villages si rien n'est fait.
Les Communautés de Communes dépensent parfois leur argent, notre argent, dans des projets pharaoniques situés en pleine campagne et qui malheureusement même si quelques touristes se laissent prendre au piège de la publicité bien faite payée par le Département ou la Région, sont trop loin des bourgs pour qu'ils en aient des retombées.
Même si les collectivités territoriales (Région, Département, CC, mairies) aident un grand nombre de commerces à se maintenir, il me semble que l'effort n'est pas suffisant envers le monde rural. Et je rajouterais que certains projets s'entendent dans une démarche libérale (lorsque je parle de projets pharaoniques), mais que cette démarche n'est pas adaptée à notre monde rural ou il ne s'agit plus aujourd'hui de faire (désolée du terme employé) dans le superflu mais dans le vital, l'indispensable, le nécessaire à notre survie.
Le monde rural , le Comminges, les zones qui se désertifient ont besoin d'une relance industrielle, agricole et économique. Je sais que les moyens existent, juste peut-être revoir les choix prioritaires pour les employer: bravo, par exemple, pour les Thermes de Salies qui, avec la cession des puits à la ville - grosse épine dans le pied jusqu'à aujourd'hui - va pouvoir prendre un nouvel essor en bénéficiant de plus d'aides territoriales .
Je ne dis pas qu'il ne faut pas sauver notre patrimoine architectural, je dis juste : pas avec nos impôts. Pour cela faisons appel à des mécènes, à des financements participatifs, mais gardons l'argent public pour sauver nos commerces que ce soit le bistrot du coin ou le petit primeur qui essaie de se battre contre la grande surface. Et j'en reviens au distributeur de billets, c'est une nécessité. Il ne se passe pas une fois ou quand je suis au comptoir chez Kiki, quelqu'un rentre et demande "est ce qu'il y a un distributeur dans le village?" et la réponse désabusée du patron est toujours la même :"il faut aller à Salies..."
Alors demain il va y avoir des élections à nouveau. Ce serait sympa que dans les programmes on mette l'accent sur la vraie vie dans nos villages, on débloque un peu de fric pour le distributeur de billets, pour aider les commerces dans leurs animations, dans leur survie, qu'on se penche un peu sur le sort du monde rural pour qu'on ne devienne pas une réserve d'indiens commingeois....
Et qui c'est qui va se faire tacler encore pour écrire tout ça.?.... Moi!!!
Et Kiki pas d'humour foireux genre "et qu'est ce que je lui mets à la petite dame...!?"
Super article Zoé, merci d'avoir le courage d'écrire des choses que beaucoup trop pensent tout bas, la désertification de nos campagnes est en marche il sera difficile d'y remédier surtout quand la partie de cartes du bistrot se joue toute seule devant son ordi.Encore bravo Zoé.
Mimile.