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Il vaut mieux être champion de France de pétanque qu’être dernier du classement de football"

"Il vaut mieux être champion de France de pétanque qu’être dernier du classement de football"

PETANQUE. A l'heure où le foot français ne cesse de trébucher dans les scandales, on préfère vous parler d'un monde où le capital rime avec sympathie. Rencontre avec le champion de pétanque, Jordane Sala qui nous a parlé de lui et surtout de son sport qui n'est pas qu'un jeu d'apéro.

En 1988, au Ban-Saint-Martin dans la banlieue de Metz, Jordane Sala lance sa première boule de pétanque pour faire comme les grands. "J'ai démarré la pétanque à 4 ans. Mon oncle avait le café restaurant à côté du terrain. J'ai vu les grands jouer à la pétanque, j’ai commencé à vouloir en jeter."

Pour des questions d'assurance et de boules sur les pieds, le président du club de La Ronde propose aux parents de Jordane de prendre une licence. De toute façon, il n'est "pas très sport co." Au bout d'un an, "je suis resté, ça m'a plu." Une vingtaine d'années plus tard, il a accumulé les trophées : champion de France minime en 1995, plusieurs fois champion de France jeune, plusieurs fois vainqueur de la Coupe de France et de la Coupe d'Europe.

Jordane Sala ne gagne pas d'argent de la pétanque. Contrairement à la planète foot où l'on ne s'étonne plus d'un transfert à 90 millions, la pétanque ne brasse pas beaucoup de billets, seulement quelques sponsors pour l'équipement.

Quelques clubs ont essayé avec des mécènes à 30 000 € l'année. Nous, avec zéro, on y arrive. L'amitié est plus forte pour gagner.

Pourtant quelques investissements ne feraient pas de mal au petit club du Ban-Saint-Martin. Depuis que Jordane joue à la pétanque, "la grange en ruine" qui lui sert de salle d'entraînement n'a jamais été rénovée. "La pétanque n'est pas assez populaire", se défendra la Mairie de Metz.

Et là, on est perdu. Dans le monde de la boule, on ne sait plus si on est "trop" ou "pas assez". Tiraillée entre son image populaire vernie au Ricard et son nombre de licenciés "relatif" par rapport aux sports "blockbusters" comme le foot, la pétanque est un peu comme Sheila, une machine à tubes, trop populaire, pas assez sulfureuse, pas assez intello. On aime bien écouter "Vous les copains" sur Nostalgie dans la bagnole pour emprunter l'Autoroute du Soleil mais de là, à acheter le coffret...

Et c'est bien ça le problème. La pétanque est réduite à sa version "apéritive". Peu de personnes imaginent qu'il existe des championnats internationaux, des licences, un entraînement, une stratégie, des rencontres... Ce sport est quasi inexistant à la télévision et cela ne permet pas de renouveler les générations. "Pour la Coupe de France, il y a 30 h de diffusion sur L'Équipe 21. Quand c’est Roland-Garros, on le sait, il y a plein de jeunes qui prennent une licence de tennis", souligne Jordane.

Déficit de visibilité, pouvoirs publics dédaigneux, la pétanque a du mal à se faire entendre. En 2010, "on nous a demandé des résultats". En mars 2016, on pouvait lire dans les colonnes du Républicain Lorrain la colère de Serge Sala, père de Jordane et président de La Ronde : "Aujourd’hui, le club est quadruple champion de France, double champion d’Europe et il est le visage de la pétanque française. Il faut arrêter de nous faire danser et si les élus décident de ne pas considérer notre discipline comme un sport à part entière, il faut nous le dire en face. La pétanque, ce n’est pas que le bob et le camping…"

A l'autre bout du monde, la pétanque n'est pas un sport de rigolos en claquettes. En Thaïlande, deuxième pays après la France en nombre de licenciés, on joue "au pas". Jordane nous explique que suite à un voyage dans les années 50 de la Reine Sirikit sur la Côte d'Azur, la pétanque est devenu un sport national au Royaume de Siam.

Elle a instauré ça au service militaire. En Thaïlande, ils jouent même dans les prisons. Les bons joueurs peuvent avoir des remises de peine, voir intégrer l’armée. Les joueurs ont tous le même style, un style académique. En général, celui qui commande, c’est le plus gradé.

Et la passion pour ce sport typiquement français, va assez loin. Thaleungkiat Phusa-Ad, champion du monde qui s’occupe de l’équipe thaïlandaise, a même appelé son fils "Pétanque".

Contrairement aux idées reçues, la pratique de la pétanque fait travailler la précision, le mental, la maîtrise de soi. "Pour moi, il y a deux sortes de pétanque, deux sports différents : la pétanque loisir et la pétanque sportive, la pétanque de haut niveau. Attention, j’aime autant les deux. J’aime aussi être avec mes potes, bouffer une merguez, déconner." De temps en temps, il joue même de la gauche pour rigoler et faire gagner les copains.

Aujourd'hui, Jordane est très fier de ce sport même si au départ, il n'en parlait pas. "J’avais un peu honte. J’allais pas dire que je jouais à la pétanque. Et puis, au fur à mesure, j’étais un peu fier. Les articles dans le journal quand je suis devenu champion de France à 11 ans".

Coach depuis 3 ans, il gère à présent la cohésion du groupe, l’organisation des rencontres, anticipe les formations des parties suivantes. Il précise : "Ce n'est pas entraîneur". En effet, avec sept joueurs dans le groupe qui sont déjà champions du monde, il n'est pas là pour leur apprendre à manier la boule. "Le rôle du coach est très difficile en étant très simple à la fois. Le coaching, c’est du management pur. Sincèrement, je le mets dans mon CV."

Et il a raison. Si la pétanque pouvait devenir le prochain sport à la mode, il y aurait peut-être moins de Panama Papers, d'histoire de sextape, de FIFA mafieuse, de salaires indécents et de corruption. Malheureusement, on verra peut-être plus d'enfants répondre au prénom "Pétanque". On ne peut pas tout avoir !

Il vaut mieux être champion de France de pétanque qu’être dernier du classement de football"

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